L'optimisme, ce n'est pas le refus de voir ce qui ne va pas, c'est le désir de ne pas s'y attarder. // Donne moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d'accepter celles que je ne peux pas changer, et la sagesse de distinguer entre les deux. (Marc Aurèle) // Don't raise your voice; improve your argument. (Desmond Tutu) // Be the change you want to see in the world. (Gandhi)

Vers / Poésies

La rue assourdissante autour de moi hurlait. 
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !
(1) A une passante - Charles Baudelaire


Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
(2) L'albatros -  Charles Baudelaire


Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
(3) Mon rêve familier -  Paul Verlaine


Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ;

Ou penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.
(4) Les conquérants - José-Maria de Heredia


Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps
(5) Demain, dès l'aube - Victor Hugo


Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

(6) L’Isolement - Lamartine


La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,

Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu. 

...

Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards. 
(7) La courbe de tes yeux - Paul Eluard


Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices; 

Suspendez votre cours !
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
(8) Le lac - Lamartine 


Là, tout n'est qu'ordre et beauté,

Luxe, calme et volupté. guillemets
(9) L'invitation au voyage - Charles Baudelaire


Oh ! combien de marins, combien de capitaines

Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfouis !
(10) Oceano nox - Victor Hugo


Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille

Applaudit à grands cris. 
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux. 
(11) Lorsque l'enfant paraît - Victor Hugo


Les sanglots longs

Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone. 
(12) Chanson d'automne, Paul Verlaine


Horloge ! Dieu sinistre, effrayant, impassible

Dont le doigt nous menace et nous dit "souviens-toi.
(13) L'Horloge - Charles Baudelaire

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.

Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,

Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,

Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,

Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
(14) Recueillement - Charles Baudelaire


Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
(15) Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage - Joachim Du Bellay


Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
(16) Rappelle-toi Barbara - Jacques Prévert 


Il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avec les
allumettes
Parce que Messieurs quand on le laisse seul
Le monde mental Messieurs
N'est pas du tout brillant
Et sitôt qu'il est seul
Travaille arbitrairement
S'érigeant pour soi-même
Et soi-disant généreusement en l'honneur des travailleurs
du bâtiment
Un auto-monument
Répétons-le Messsssieurs
Quand on le laisse seul
Le monde mental
Ment
Monumentalement. 
(17) Il ne faut pas - Jacques Prévert

Vers la fin d'un discours extrêmement important
le grand homme d'Etat trébuchant
sur une belle phrase creuse
tombe dedans
et désemparé la bouche grande ouverte
haletant
montre les dents
et la carie dentaire de ses pacifiques raisonnements
met à vif le nerf de la guerre
la délicate question d'argent.
(18) Le discours sur la paix - Jacques Prévert


Rien n'égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L'Ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l'immortalité.
(19), Les Fleurs du Mal, Spleen, Charles Baudelaire


Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble!
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

[....]
(20), Invitation au voyage, Charles Baudelaire

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans, 
De vers, de billets doux, de procès, de romances, 
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances, 
Cache moins de secrets que mon triste cerveau…
(21), Spleen, Charles Baudelaire



Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi, 
Le jour décroît ; la nuit augmente; souviens-toi !
La gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide 
(22), L'Horloge in Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire


Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville.
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?
... 
(23), Il pleure dans mon coeur, Paul Verlaine


L'espoir changea de camp, 
le combat changea d'âme. 
(24), Les châtiments, Victor Hugo



/eom

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